Ses jambes fines accélèrent le mouvement sans en avoir l'air. Rapidement et un peu trop fort, elle se cogne contre deux trois silhouettes, la tête en l'air et les yeux fixés sur la porte qui se trouve à quelques pas seulement. Dés qu'elle passe l'obstacle en question, elle soupire un bon coup sans aucune discrétion, ni finesse. C'est pas son truc, et du haut de ses 13 ans, elle fait déjà tache dans une robe clairement pas faite pour elle. Les tresses qui lui tombent généralement en bataille sur les épaules sont entortillées dans un chignon qu'on lui a forcé sur le crâne et des bottines de petite fille sage lui défoncent méchamment les pieds. Elle tourne la tête de gauche à droite et encore un coup pour la forme avant de le trouver planté là, sur le sol, les jambes qui ballottent prés du lac. Il l'a sûrement entendu arriver, mais elle fonce un peu, lui fait le coup de la surprise un peu feinte et fait semblant de la pousser parce que Maggie, c'est pas la délicatesse incarnée. - T'es au courant que t'as l'air d'un gland. Les phrases qui s'échappent de sa bouche sont jamais vraiment très fines non plus, on est au courant. - Bof, et toi d'une meringue, donc c'est de famille j'pense non ? Il lui parle, mais ne détourne pas son visage. Tout ce qu'elle discerne, c'est la fumé par-dessus sa tête qui s'échappe de la clope qu'il tient au bec. Elle s'affale à son tour, tête calée contre l'épaule de son frère. Cette journée lui prend la tête et il tire la gueule sévère, mais malgré tout ça, elle a l'impression que le frangin la sauve, qu'ils ont deux ans de différence sur le papier, mais le même plan dans la caboche. Il fait plus d'effort qu'elle, tente de rentrer un peu dans les cases, la force à sourire sur les photos de famille et dés que les vieux ont le dos tourné, il s'ébouriffe les cheveux et la fait marrer. Ils parlent de se casser sans cesse et ça la rassure, la prend aux tripes comme pas deux. C'est pas la vie dont elle rêve et elle a conscience de pas être celle que ses parents attendaient non plus. Une belle maison, le chien gueulard qui va avec et deux enfants magnifiques. C'est ce qu'on leur a vendu. Sauf qu'ils présentent pas bien, font tache dans le paysage. Le paternel est juge. La génitrice est architecte. Tout est tiré à 4 épingles, sauf eux. Et quand elle sent que Richie tire sur ses tresses, ça lui suffit à croire que ça ira mieux demain. Demain et ailleurs.
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Pour la troisième fois, elle soupire, se dandine à nouveau devant le miroir et tente un regard en direction de son compagnon, qui s'est complètement désintéressé de la situation. Mags est dans le fond de la boutique, n'essaie même pas de défendre son cas ou de la convaincre outre mesure. Elle hausse les épaules, une main occupée à retoucher le dessin qu'elle avait en tête depuis des lustres. Elle se décide quand même à l'ouvrir, parce que la princesse ne risque pas de partir et de cracher l'oseille si ça continue comme ça. - C'est pas en le fixant dans la glace que ça va se transformer en papillon, princesse. J'avoue que j'me suis un peu emportée, mais j'ai respecté un peu ce que tu m'as dit nan ? Y a des ailes dans le truc. J'crois. Et sa tirade aurait sans doute un peu plus de poids si elle daignait regarder ce qui se passe autour, mais elle ne décroche pas les yeux de son brouillon qui commence à avoir de la gueule. La chance est sûrement avec elle parce que c'est le moment que choisi le copain de sa cliente forcée pour se rapprocher d'elle et de lancer un – Sexy qui fait grimacer Maggie sans qu'elle puisse vraiment le cacher. Il la prend pas la taille et elle semble satisfaite parce que dans sa tête, c'est sûrement le dernier qu'a parlé qu'a raison. Ça arrange beaucoup la tatoueuse en chef, parce qu'elle a beau pas prendre le truc au sérieux, c'est pas le cas du propriétaire des lieux et les billets posés sur le comptoir vont sûrement lui plaire, à lui. Maggie ne lève même pas les yeux pour les saluer, se contente d'un – a la prochaine murmuré dans sa barbe. Elle se rend d'ailleurs pas compte qu'elle est à nouveau plus seul dans la boutique, grande silhouette pas aimable devant elle. Il a sa gueule des mauvais jours, mais c'est sa gueule habituelle et il semble se radoucir quand il pose un baiser à la va-vite sur ses lèvres. Il ne prononce pas un mot, elle non plus. Ils ont passé depuis longtemps le cap du silence confortable et ils se connaissent tellement bien qu'ils n'ont pas vraiment besoin de l'ouvrir. Les gestes sont automatiques, familier et foutrement rassurants. Elle tourne autour pour rassembler le matériel et skylar enlève son tee-shirt et se met en place pour la première fois sur le fauteuil adéquate. Faut dire qu'elle et lui, ça ne date pas d'hier. Ça remonte à quand elle avait 15 ans et qu'elle voulait faire chier ses parents. Malheureusement, elle s'est prise au jeu sans vraiment s'en rendre compte et elle a la sale conviction au fond, que s'il la lâche, elle en crève. Aiguille en main et prête à commencer le boulot, elle capte son regard, qui comme d'habitude laisse pas grand chose paraître. - Tu me fais confiance ? Ça fait des mois qu'elle bosse dessus, elle a pas la moindre foutu envie qu'il se défile maintenant. - Pourquoi ? Tu comptes tatouer ton prénom dans une moitié de cœur à la con ? Elle rigole, un rire un peu aggravé et reprend son sérieux avant de le plaquer à l'aide de sa main correctement sur le fauteuil. C'est la première fois qu'elle fait un truc pareil, à quelqu'un auquel elle tient, en tout cas.
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Les coups frappés à la porte sont plus durs qu'elle devrait et malgré le fait qu'elle le pense très fort, elle a du mal à se calmer. Elle essaie pourtant, parce que son hystérie va lui pousser à poser des questions auxquelles elle ne sait pas répondre. - T'es sérieuse là ? J'te dois de l'argent ou j'ai couché avec ta sœur ? C'est généralement pour ses raisons qu'on frappe à ma porte avec cette force. Elle sursaute à moitié, remonte les manches de son sweat pour éviter qu'il pose son regard sur quoique ce soit et trouve Billy derrière elle, dégaine du type qu'a découché et qu'a pas chaumé non plus. Il la pousse vaguement de l'épaule, sourire de petit con sur la gueule qui laisse constater qu'il est quand même content de la voir, malgré ses vannes pas malignes. Il ouvre la porte et la laisse passer, mimant vaguement le geste d'un type galant. Une fois à l'intérieur de l'appart, elle sait ce qu'il va dire avant qu'il ne l'ouvre et elle le fait la première. - Don't fucking ask. C'est pas la peine de raconter. De toute façon, elle sait qu'il demande plus par habitude qu'autre chose, parce que ça fait longtemps que plus personne ne s'en fait. Des engueulades avec Sky, elle en a des tonnes. De la boulangère du quartier à tous les gens de sa bande à lui, en passant par son meilleur ami qui se trouve devant elle maintenant, ils connaissent tous la chanson par cœur. Ce qu'ils ne savent pas par contre, c'est qu'on a remplacé la partition par un truc un peu plus crade, mais ce n'est pas leur problème. Elle est tellement dans le truc qu'elle ne voit pas forcement le mal. Ils se tapent dessus dés qu'ils savent plus quoi dire d'autre, se tombe dans les bras la seconde d’après et ils pensent sûrement tous les deux que c'était la dernière fois. Pour mieux recommencer ensuite. Elle sait plus vraiment comment ça a dégénéré de cette manière. Elle sait que y a de l'amour et qu'elle ne peut pas faire autrement qu'essayer de taper plus fort, parce que la communication c'est pas leurs fort. Pour tout le monde, c'est le couple qui s'aiment à la folie, qui se séparent tous les jeudis et deux fois pendant les années bissextiles, mais qui ne peut pas aller plus loin dans la connerie. Et Maggie, elle continue de donner le change parce qu'elle a pas besoin des autres. Juste de lui, même comme ça. - Tu veux un truc à boire ? Et ouais, si y a que ça.