Le Football américain du soir a eu raison de moi et de ma petite bande de potes. Je ne suis pas un fanatique de ce sport au point de suivre tous les matchs, mais je ne dis jamais non à une soirée en compagnie des potes, à râler devant les passes manquées, ou le jeu qui n’est pas à notre goût. Pour nous préparer et en attendant que le jeu commence, nous avons commandé une bière chacun. Les rires fusent déjà, grâce aux blagues de Will, ou aux anecdotes de Theodore. Le plus en retrait, c’est Joshua. J’ai appris par Elizabeth qu’il lui avait proposé une sortie et j’attends toujours qu’il m’en parle. Je me demande s’il le fera un jour… A en voir sa manière de détourner son regard de moi, je doute qu’il en parle de lui-même. Me connaissant, avec mon côté impulsif, je finirai par lui en toucher deux mots lorsque son silence m’agacera vraiment, mais je ne compte pas le faire ce soir où je préfère me concentrer sur la bonne entente de tout le monde. Ca me fait du bien, à moi, de me détendre. Ca fait bien une semaine que mon père m’a tenu au courant du probable retour de ma sœur Madison et ça me trotte dans la tête. J’ai encore l’image qu’elle dégageait lorsque je l’ai récupérée et son air qui en disait long sur ce qu’elle pensait de moi lorsque je l’ai laissée au centre de désintoxication. J’appréhende les retrouvailles. J’appréhende qu’elle m’en veuille toujours autant. J’appréhende surtout qu’elle retombe dans un cercle vicieux, mais son retour ici ne pourra lui faire le moindre mal. Ca ne pourra que la ressourcer.

Alors que je lève ma bière vers celles des autres pour trinquer, mes yeux se détournent doucement vers une silhouette au loin, dont les yeux sont fixés sur nous. Mon sourire disparaît peu à peu lorsque mes souvenirs me reviennent en mémoire, me ramenant à cette soirée qui a terminé étrangement avec cette petite brune. Le courant était bien passé et je suppose que ça aurait pu donner quelque chose de sympa après, du genre un début d’amitié, quelque chose comme ça. Je suis habitué à revoir mes conquêtes même après, ayant sympathisé avec elles. D’ailleurs, il est rare qu’il ne se soit pas passé quelque chose avec mes potes au féminin, mais il n’y a jamais eu plus d’ambiguïté que ça. Elles et moi savaient très bien que c’était de l’amusement et que ça n’irait pas au-delà. Seulement, là, avec cette fille, Moira, c’est différent. Je sens au fond de moi que nous ne seront jamais amis. Le lendemain de notre soirée, je ne savais pas comment me comporter, tant j’étais embarrassé de l’avoir dans mon lit au petit matin. C’est le genre de trucs qui ne m’arrive jamais, pour ne pas créer de malaise. Généralement, les filles prennent leurs vêtements, prennent même les devants sur moi en me soufflant qu’elles ont passé un bon moment, que ce serait peut-être à refaire, toujours sans aucune prise de tête, et elles s’en vont. Décidant de ne pas porter plus d’attention que ça, par politesse, je la salue tout de même d’un signe de tête, avant de me focaliser sur la petite tablée avec qui je suis.