Il y a quatre ans, lorsqu’il a placardée l’annonce pour une colocation, Noah n’avait aucune idée dans quoi il se lançait. Sur le moment, ça lui semblait être une bonne idée. Un moyen de ne pas être seul et d’avoir le confort et la tranquillité que ne lui donneront jamais un appartement. Les jardins, c’est bien plus sympathique qu’un petit balcon au centre-ville. Ce choix, il ne l’a jamais regretté. Les personnes qu’il a rencontrées sont devenues des amis à qui il tient, avec qui il aime bien passer quelques soirées. Ils ont leur vie, n’empiète pas sur celles des autres, respectent chaque besoin. Ils discutent entre eux des choix importants à prendre, comme les animaux domestiques qu’il n’y a pas chez eux, ou le roulement pour le ménage, afin que leur endroit de vie soit toujours propre, ou encore les fêtes qu’ils souhaitent faire pour les anniversaires des uns, des autres, pour les bonnes nouvelles qui méritent un verre. Ils forment une petite famille et savent qu’au moindre pépin, ils peuvent compter sur les uns et autres. C’est un beau tableau, qui n’a pas toujours que des bons côtés. Le mauvais pour certains, ce sont les longs débats entre Noah et Moira. Tous les deux ne lâchent pas le morceau dès qu’ils ne sont pas d’accord sur quelque chose et parfois, Noah fait même exprès de ne pas être d’accord juste pour la pousser à bout. Ce n’est pas bien difficile. Ils n’ont pas les mêmes idées. Elle est lesbienne, lui est un pur hétérosexuel qui est mal à l’aise face à ceux qui flirtent avec quelqu’un du même sexe. Elle est démocrate, il est républicain. C’est un homme – sexe fort – et elle une femme. Ils sont faits pour s’apprécier et se détester à la fois. Ca met de l’ambiance dans la maison lorsqu’ils sont tous les deux réunis. La dernière fois, tout le monde est parti faire la fête ailleurs, dans un club, alors qu’eux ont passé la soirée à prouver par a + b qu’ils avaient raisons. Ils ont chacun des arguments à défendre, souhaitent prouver qu’ils ont raison.

Noah entre et rejoint le salon où il y a déjà la petite bande. Son regard qui se pose sur Moira trahie son intention de lever le drapeau blanc. Il s’engouffre dans la cuisine pour récupérer quelques bières qu’il distribue autour de lui et en tend une à Moira. Il décapsule la sienne avec l’aide du briquet de son colocataire assis à sa gauche. « J’ai un pote qui m’a demandé ton numéro. Est-ce qu’il est encore trop tard pour te montrer qu’un homme peut t’apporter quelque chose de plus sympa qu’une femme ? » demande Noah, tenace. Il est convaincu que Moira n’a pas rencontré la bonne personne et qu’on peut encore lui faire changer d’avis. Son attirance est peut-être uniquement de passage… Peut-être bien que c’est un genre pour se faire remarquer. Cette jeune femme est tellement « hors norme » sur bien des points, alors ça ne l’étonnerait même pas. « Je suis sûr qu’il pourrait te faire passer une bonne soirée en plus. Tu veux que je te montre de quoi il a l’air ? » s’obstine-t-il, sur un ton léger.